Le restaurant de l'amour retrouvé d'Ogawa Ito

Publié le par Madame Tassa

@tassadanslesmyriades

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Résumé : Une jeune femme de vingt-cinq ans perd la voix à la suite d’un chagrin d’amour, revient malgré elle chez sa mère, figure fantasque vivant avec un cochon apprivoisé, et découvre ses dons insoupçonnés dans l’art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats médités et préparés comme une prière. Rinco cueille des grenades juchée sur un arbre, visite un champ de navets enfouis sous la neige, et invente pour ses convives des plats uniques qui se préparent et se dégustent dans la lenteur en réveillant leurs émotions enfouies. Un livre lumineux sur le partage et le don, à savourer comme la cuisine de la jeune Rinco, dont l’épice secrète est l’amour. (source : Babelio)

Les pages de ce roman semblent contenir tout ce qu'il y a de plus délicieux sur Terre. Et pourtant je n'y connais pas grand chose en cuisine japonaise. Nous voici plongés directement dans le vif du sujet, Rinco s'est faite larguée par son petit ami indien. Depuis dix ans, elle avait quitté le foyer maternel pour vivre avec lui en ville mais voilà qu'elle doit de nouveau repartir à la campagne chez sa mère avec pour seul bagage : un pot de saumure hérité de sa grand-mère et datant de l'ère Meiji ! Le decor est planté, surtout lorsque la mère l'agresse dès son arrivée.

Partant de là, déjà, le récit ressemble à un conte. L'auteur a une prose courte et précise, oscillant entre poésie, pudeur, volupté et candeur. Les choses de la vie paraissent prendre une seconde dimension sous sa plume. Et le goût de la vie, justement, que Rinco avait perdu, reprend peu à peu de l'étoffe à travers le roman. C'est une histoire extrêmement courte, avec un début clair et une fin concise. Mais tout est dans l'émotion et la métaphore. Le plus souvent, on est lassé par ce genre de style ampoulé, où l'auteur tente de faire passer des messages à travers des saynettes absurdes et tirées par les cheveux. Ici, point du tout. L'auteur se propose de nous convier à la table de l'héroïne, courageuse et créative. Les plats qu'elle cuisine sont des morceaux d'elle-même. Elle y met tout son coeur. Et le récit passe du poétique au mystique culinaire. Et les êtres qui passent à proximité de la fourchette de Rinco sont sauvés !

Délicatement, les êtres vivants sont plus vivants encore à travers l'écriture d'Ogawa Ito, même dans l'assiette. Les gestes dans la cuisine s'exécutent comme dans un ballet de danse, (un peu comme dans Ratatouille ou Les Délices de Tokyo, vous voyez ?). Rinco perd la voix, traumatisée par sa rupture, mais elle retrouve foi dans une vie de challenge : ouvrir un restaurant !

Ce récit ne repose en rien sur quelque chose qui pourrait être de l'ordre du réalisme. Il est plutôt du côté du fantastique, du métaphysique comme à peu près tous les romans et récits japonais que j'ai lus, de Murakami en passant par les meilleurs novellistes japonais comme Asada Jiro.

Et je vous l'accorde, la vision japonaise du repas animal n'est pas tout à fait celle qu'un européen pourrait avoir (d'ailleurs, j'ai sauté quelques pages de la scène finale avec Hermès la truie), mais c'est forcément un point de vue différent qu'on aime lire et comprendre. Le restaurant de l'amour retrouvé est celui de la rédemption et de la famille, des retrouvailles et de l'amitié. C'est une histoire de réconciliation entre une mère et une fille et c'est aussi l'histoire de la rencontre de Rinco avec elle-même.

J'ai beaucoup aimé ce roman et vous le recommande.

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