Le coeur est un chasseur solitaire de Carson McCullers

Publié le par Madame Tassa

@tassadanslesmyriades

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Résumé :

Dans une petite ville du Sud des États-Unis, John Singer vit avec son ami Antonapoulos. Tous deux sont sourds-muets. Lorsque Antonapoulos est interné dans un asile, Singer se loge chez les Kelly. Ce livre est l'histoire assez pessimiste du destin croisé des différents protagonistes : Mick Kelly (une jeune fille de 14 ans), sa famille, un docteur noir, un tenancier de bar, un communiste, etc. Tous se confient au sourd-muet. Il les apaise alors que lui-même ne vit que pour son ami. Chaque personnage vit pour un projet, un rêve, une ambition qui le pousse ou le détruit. Le récit se déroule dans les années 1930, au moment de l'ascension de Mussolini et de Hitler. (SOURCE : WIKIPEDIA)

Le coeur est un chasseur solitaire de Carson McCullers

Merci au Livre de Poche pour la confiance et l'envoi de ce roman.

Le roman commence dans la douceur et se termine dans la douceur comme on allume une lampe et que l'on éteint la lumière en quittant une pièce discrètement. 

À bien des égards ce roman m'a fait songer au chef d'oeuvre de Harper Lee "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", avec son sens de la justice, son message politique et social et les personnages enfantins découvrant la violence du monde.

Solidement bâti, ce récit est celui d'une Amérique que l'on pourrait qualifier de désuète et de passée, alors qu'il n'en est rien. Dans l'écriture poétique et très terre à terre de Carson McCullers se déploie toute la féminité des personnages qui sont là, de passage dans le roman. Car ce sont des lieux de passages qui accueillent les personnages : d'abord un bar/restaurant, celui de Biff, dans lequel on croise le muet Singer, le personnage le plus émouvant du roman, on y croise Mick, jeune adolescente de quinze ans qui aime les choses glacées, on y croise des pauvres gens du coin et des révolutionnaires comme Jack.

Et puis, il y a un autre lieu de passage, lieu clef du roman : l'espèce d'hôtel ou chambre d'hôtes que tiennent les parents de Mick. Ils louent six chambres à qui veut, à Singer, à Jack, à des "nègres", mais chacun ne paye jamais à temps et la famille de Mick se retrouve dans le pétrin financièrement. Dans ces lieux de passages donc, chacun a son pas, pesant ou léger, joyeux ou triste. Chacun fait son petit bonhomme de chemin, entre les rêves, les illusions et les ambitions. Mick rêve d'opéra et de musique, Singer rêve de vivre en harmonie avec Antonapoulos, Jack rêve de révolutionner l'Amérique...

Chacun se réinvente et c'est l'histoire même de l'Amérique, sa capacité à toujours se confronter au pire mais à se relever que nous décrit Carson McCullers (en laissant toujours des gens sur le bas côté bien sûr). Derrière les sourires de façade il y'a des souffrances. Derrière l'insouciance de l'enfance et de l'adolescence menacent la rigueur de la vie et la violence des mots.

L'argent, question centrale du roman, fait de celui-ci une oeuvre terriblement politique. On y croise une pensée anti-fasciste, marxiste et sociale, solidaire et rassembleuse. L'auteure tente de faire comprendre comment chacun dans sa communauté veut essayer de s'en sortir dans une Amérique déjà profondément inégale et injuste. Elle compare le combat de Juifs à celui des Nègres par le point de vue d'un médecin noir, intellectuel et passionné par son métier, qui lit tous les livres qui lui tombent sous la main.

Elle fait de son roman une esquisse de l'espoir d'une Nation à devenir un état providence, tandis que le gouvernement américain ne prend pas cette voie là. Elle admire l'Europe tout en ayant une peur bleue de la montée du nazisme d'Hitler..

Ce roman montre ce qu'il y a de bon en chaque être humain, et les parts de colère et de tristesse qui conduisent parfois à des gestes fatales. En ce sens, c'est un roman moralisateur. Il se lit comme une chronique sociale et malgré les longueurs et les difficultés pour lire les passages de dialogues des "Nègres", aussi complexes à lire que dans "Autant en emporte le vent" ou un Mark Twain dans leurs anciennes traductions, malgré tout cela, j'ai trouvé du charme à ce roman, dans sa langueur, son phrasé, cette fine couche de poussière qui recouvre chaque destin et ces sentiments de bonté et de bienveillance qui hantent le livre.

 

Publié dans bookstagram, romans

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E
il a l'air très bien fait!
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C
merci d'aimer ce livre dont je m'offre actuellement la lecture en anglais directement
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